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Église du Christ
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Jean 3.22-36

Les hommes fuient la lumière de Dieu

© Max Dauner

Entrée en matière

Souvent dans ce cycle d'études nous avons parlé de la différence entre la religion et la foi. Je sais que la distinction entre les deux choses n'est pas toujours très claire dans l'esprit de tout le monde, parfois même pas dans mon propre esprit. Comment, dans la vie chrétienne de tous les jours, faire la différence entre la foi et la simple religiosité ? Il est facile de concevoir que quelqu'un peut aller à l'église, prier, chanter des cantiques, lire les Écritures, donner de son argent, faire des bonnes oeuvres, sans pour autant avoir la foi. Le problème, c'est que toutes ces choses sont des commandements de Dieu! Celles-là et un tas d'autres aussi : ne pas voler, ne pas mentir, ne pas démolir le portrait au prochain. Qu'est-ce qui fait qu'un acte d'obéissance relève, oui ou non, de la foi ?

Bonne question ! A mon avis, le facteur décisif est la source ou la motivation profonde de ce que nous faisons. Imaginez que vous vous trouvez dans une grande maison habitée de gens dont certains sont sourds. Vous pénétrez dans une des pièces et tombez sur un homme tout seul, assis sur une chaise. Vous remarquez que cet homme tape ses pieds et claque ses doigts en mesure. Vous devinez tout de suite ce qui se passe : il est en train d'écouter de la musique, et il est évident que ça lui plaît. Tout son corps veut suivre la musique, tout son corps veut répondre à ce que ses oreilles entendent. Il n'y a là rien de mystérieux ou d'étrange.

Ajoutons un troisième personnage à cette scène. Un des occupants malentendants entre dans la pièce et observe notre mélomane pendant quelques moments. Il se dit : « Tiens, il a vraiment l'air de s'amuser. Je vais essayer moi aussi. » Il s'assoit donc à côté de lui et commence à l'imiter. Avec maladresse et hésitation au départ, il s'efforce de claquer les doigts et de taper les pieds et de balancer son corps de la même manière que l'autre. Chaque être humain a un sens du rythme, cela ne dépend pas entièrement de l'ouïe. Après quelques minutes d'entraînement, l'homme sourd réussit à marquer la mesure au pied et aux doigts en synchronisation parfaite avec son ami.

Supposons qu'un quatrième personnage ouvre la porte et entre dans la pièce. Que voit-il ? Il voit deux hommes qui, apparemment, font la même chose. Y a-t-il au fond une vraie différence ? Absolument ! Toute la différence du monde. Les gestes du premier homme sont des réponses naturelles à la musique qu'il entend. Par contre, l'homme sourd ne fait qu'imiter des mouvements extérieurs alors qu'il n'entend pas la moindre note.

Quand nous vivons par la foi, nos attitudes et nos gestes sont une réponse à la « musique » que nous entendons. Cette musique c'est la bonne nouvelle de la grâce et de l'amour de Dieu, une bonne nouvelle que nous apprenons à mieux connaître, à mieux apprécier, à mieux aimer tous les jours. La religiosité s'en fiche complètement que vous soyez sourd comme un pot à l'amour et à la grâce de Dieu. Tout ce qui compte pour elle, c'est que les gens apprennent à battre le pied au bon rythme et à claquer les doigts au bon moment.

Quelle est donc la vraie source de notre vie religieuse ? Tite 2.11-13 (FC) : Car Dieu a révélé sa grâce, source de salut pour tous les hommes. 12 Elle nous enseigne à renoncer à une vie mauvaise et aux désirs terrestres, pour mener dans ce monde une vie raisonnable, juste et fidèle à Dieu. 13 C'est ainsi que nous devons attendre l'heureux jour que nous espérons, celui où apparaîtra la gloire de notre grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ. La motivation profonde de la vie que les croyants doivent mener dans le monde c'est le dessein de grâce que Dieu nous a révélé.

Pourquoi trouve-t-on donc tant de religiosité dans l'Église ? La réponse est simple : c'est que tant de chrétiens n'ont jamais compris la grâce et l'amour de Dieu. Si tant de gens religieux deviennent mesquins et légalistes et formalistes et étroits d'esprit, c'est qu'ils s'imaginent servir un Dieu qui est mesquin et légaliste et formaliste et étroit d'esprit. Ephésiens 4.14-19 (TOB) : C'est pourquoi je fléchis les genoux devant le Père, 15 de qui toute famille tient son nom, au ciel et sur la terre ; 16 qu'il daigne, selon la richesse de sa gloire, vous armer de puissance, par son Esprit, pour que se fortifie en vous l'homme intérieur, 17 qu'il fasse habiter le Christ en vos coeurs par la foi ; enraciné et fondés dans l'amour, 18 vous aurez ainsi la force de comprendre, avec tous les saints, ce qu'est la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur… 19 et de connaître l'amour du Christ qui surpasse toute connaissance, afin que vous soyez comblés jusqu'à recevoir toute la plénitude de Dieu. Notez bien que l'apôtre Paul ne demande pas la force de faire des choses, d'accomplir des exploits spirituels. Il demande à Dieu la force de comprendre quelque chose : l'amour du Christ. C'est ainsi qu'on sera rempli de toute la plénitude de Dieu.

La connaissance de l'amour de Dieu provoque dans notre coeur une réponse aussi irrésistible que celle que la musique provoque dans notre corps. Présenter notre coeur et notre corps à un Dieu qui nous aime à la perfection devient alors une joie. La vie de foi ne nous semble pas pénible quand notre esprit est rempli de la parole de la grâce de Dieu. Or notre esprit ne sera jamais rempli de cette parole si nous nous bouchons les oreilles, si nous ne savons pas l'écouter.

Introduction

Tout le message que Dieu veut nous adresser dans le texte de notre étude, Jean 3.22-36, pourrait se réduire à une seule phrase, Luc 8.18 (FC) : 18 « Faites attention à la manière dont vous écoutez ! » Avertissement que Jésus ne cesse de répéter, sous une forme ou une autre, d'un bout de l'évangile à l'autre. (Quand vous aurez quelques heures à tuer, consultez dans une concordance tous les passages du Nouveau Testament où apparaît le verbe « écouter » : il y en a plus de 450.) Pourquoi insister tant sur un acte aussi banal que celui d'écouter? Romains 10.17 (FC): 17 La foi vient de ce qu'on écoute le message et le message est l'annonce de la parole du Christ. Croire ou ne pas croire ne dépend pas de nos gènes ou de notre intelligence ou de notre éducation ou de notre profil psychologique. Cela dépend, plus que de toute autre chose, de la manière dont nous écoutons l'évangile du Christ.

Or, les premiers chapitres de l'Évangile selon saint Jean nous présentent un défilé de candidats à la foi : des exemples typiques des différents genres d'auditeurs qui entrent en contact avec Jésus et son enseignement. Le drame qui se joue dans chacune de ses rencontres tourne autour de l'accueil que chaque candidat réserve à ce qu'il entend. Parviendra-t-il, oui ou non, à la foi en Jésus ? Et là où il y a résistance ou refus ou incompréhension face au témoignage du Christ, la cause en est, dans presque chaque cas, la même : la religion. Ou plutôt, des idées religieuses humaines en fonction desquelles on se permet de juger ce que dit le Fils envoyé du Père.

Dans la première partie du chapitre 3, Jean nous a présenté le cas du pharisien Nicodème, représentant de l'élite religieuse d'Israël. Qui va-t-il mettre sur la sellette ensuite? Qui sera le prochain candidat à la foi ? Et bien, ce seront les disciples de Jean-Baptiste. La clé pour comprendre ce passage, le motif conducteur qui lance et détermine le déroulement de cet épisode, c'est l'incrédulité des disciples du Baptiste. On peut diviser le passage en trois points par rapport à ce thème : leur incrédulité révélée, versets 22 à 26 ; leur incrédulité réfutée, versets 27 à 30 ; leur incrédulité rectifiée, versets 31 à 36.

Plaintes contre Jésus

Jean va commencer par planter le décor aux versets 22 à 26. Il nous y explique comment les disciples de Jean-Baptiste en viennent à exprimer leurs plaintes contre Jésus. Jean 3.22 (XLD) : 22 Après cela, Jésus vint avec ses disciples au pays de Judée, et là il séjournait avec eux, et il baptisait. C'est-à-dire immergeait dans l'eau. De nombreux textes de l'évangile nous apprennent que Jean-Baptiste et Jésus annoncent à Israël essentiellement le même message : « Convertissez-vous, car le règne du Messie est proche ! ». Voici le seul verset qui nous dit que Jésus pratique lui aussi l'immersion.

Jean 3.23-24 (XLD) : Jean aussi était à baptiser, à Aenon près de Salim, car les eaux y abondaient et les gens se présentaient et ils étaient baptisés. 24 Jean, en effet, n'avait pas encore été jeté en prison. Ce qu'il importe de retenir de ces trois versets, c'est la simultanéité des deux baptêmes. On immerge en même temps à deux endroits différents, auprès de Jésus et auprès de Jean-Baptiste.

Que signifie donc cette immersion que Jean-Baptiste administre au peuple ? Marc 1.4-5 (TOB) : Jean le Baptiste parut dans le désert, proclamant un baptême de conversion en vue du pardon des péchés. 5 Tout le pays de Judée et tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui ; ils se faisaient baptiser par lui dans le Jourdain en confessant leurs péchés. L'immersion de Jean traduit la volonté du juif de revenir de ses infidélités vis-à-vis de Dieu et de sa Loi, de se détourner de ses péchés et de retourner à une pratique authentique, ou plus fidèle, de la religion et de la morale mosaïques.

Autrement dit, Jean-Baptiste appelle toute la population juive à une réforme. Le sermon sur la montagne et la prédication de Jean-Baptiste en Luc 3.7-14 dessinent le plan de la réforme morale et religieuse que Dieu veut en Israël. C'est une réforme dans le cadre du judaïsme biblique.

Mais le baptême de Jean, tout comme la conversion dont il est l'expression, n'est pas une fin en soi. Jean n'immerge pas simplement pour changer les mauvais juifs en bons juifs. Il veut surtout les préparer à accueillir le Messie qui vient après lui. Jean 1.31 (XLD) : « C'est pour qu'il fût manifesté à Israël que je suis venu, moi, baptisant dans l'eau. » Le baptême de Jean, tout en étant un commandement ordonné par Dieu au peuple juif, était provisoire et voué à être dépassé. L'apôtre Paul dira à quelques disciples de Jean-Baptiste qu'il rencontre à Ephèse : Actes 19.4-5 (TOB) : 4 « Jean donnait un baptême de conversion et il demandait au peuple de croire en celui qui viendrait après lui, c'est-à-dire en Jésus. » 5 Ils l'écoutèrent et reçurent le baptême au nom du Seigneur Jésus. Les disciples baptisés par Jean sont encore en attente d'un Révélateur supérieur.

Il me semble que les deux baptêmes de Jean 3 ont en gros le même sens: ce sont des rites de repentance. Nous nous trouvons toujours au stade préparatoire, il n'est donc pas encore question du baptême « chrétien » proprement dit. Voilà ce que laisse entendre la précision que Jean nous donne en Jean 4.1-3 (XLD) : Quand le Seigneur reconnut que les pharisiens avaient entendu dire que Jésus faisait plus de disciples et en baptisait plus que Jean – 2 bien qu'à vrai dire Jésus lui-même ne baptisât point, mais ses disciples –, 3 il quitta la Judée et s'en retourna en Galilée. La différence entre les deux baptêmes donnés par Jean et Jésus ne réside pas dans le sens du rite comme tel, mais dans la dignité de ceux qui les administrent. Etre baptisé par Jésus, c'était devenir son «appreneur», c'était entrer dans la sphère d'influence de son enseignement.

Jean 3.25 (XLD) : Il y eut donc une discussion entre les disciples de Jean et un juif à propos de la purification. Jean ne s'intéresse pas vraiment à cette controverse et n'en précise pas l'objet. Il s'agit, dit-il en passant, de la « purification ». L'important c'est qu'au cours de la discussion, les disciples de Jean apprennent le succès de Jésus en Judée.

Jean 3.26 (XLD) : Ils vinrent à Jean et lui dirent : « Rabbi, celui qui était avec toi au-delà du Jourdain, celui à qui tu as rendu témoignage, le voilà qui baptise, et tous viennent à lui ! » Voici donc des juifs « réformés », disciples baptisés de Jean, qui se mettent à critiquer Jésus assez méchamment : « Cet espèce d'ingrat! Pour qui se prend-il ? Tu acceptes de le baptiser, tu lui couvres d'éloges, et que fait-il pour te remercier ? Il te pique ton rite et te fait une concurrence déloyale ! »

Il n'y a pas, derrière ces plaintes, simplement un attachement un peu exagéré et bien compréhensible pour Jean. (En tout cas, Jean ne va les en féliciter.) S'ils se permettent de parler ainsi de Jésus, c'est qu'ils n'ont pas cru en lui. En effet, cette dernière accusation « tous viennent à lui » sera reprise deux fois par les chefs juifs pour justifier le meurtre de Jésus. Jean 11.48 (XLD) : « Si nous le laissons agir ainsi, tous croiront en lui. » (Jn 12.19).

Vous allez peut-être me dire que je lis un peu trop entre les lignes, mais je crois qu'on peut discerner derrière cette hostilité des disciples de Jean quelque chose du même esprit qui anime la haine que les pharisiens ont pour Jésus: un esprit sectaire, un esprit de fanatisme religieux. À la place des traditions de la religion établie – l'orthodoxie des pharisiens – c'est d'une orthodoxie réformée baptiste que les disciples de Jean se prévalent. Ils sont bien arrivés à la repentance, à une réforme religieuse et morale, mais sans parvenir jusqu'à la foi. S'ils en restent là, le dessein de Dieu n'aboutira pas pour eux, pas plus que pour les pharisiens impénitents et non-baptisés.

N'y a-t-il pas une leçon pour vous et moi dans cette hostilité des disciples de Jean envers le Maître de leur maître? En la voyant, je ne peux pas m'empêcher de me poser la question : Qu'y a-t-il dans ma vie religieuse qui pourrait me dresser, moi, contre le Christ et me faire croire que je peux me passer de lui ? Mon identité institutionnelle ? L'idée qu'il me suffit d'appartenir à la bonne église ou à la bonne tendance religieuse ? Ou bien est-ce l'orgueil que je tire de ma propre piété ? « Seigneur, je te remercie que je ne suis pas comme le reste des hommes. As-tu vu comment je me suis repenti et comment j'ai mis ma vie en ordre ? » Ou bien est-ce mon attachement à un maître spirituel humain ou à un saint d'autrefois ? « Moi, je suis de Paul. – Et moi, d'Apollos. – Moi, je suis de saint Augustin. – Et moi, de Martin Luther.»

Mettre au centre de notre vie religieuse notre identité institutionnelle ou nos propres performances spirituelles ou notre fidélité à une tradition humaine n'aboutira qu'à une forme ou une autre de zèle sectaire et de formalisme. Il ne peut y avoir qu'une seule chose au centre de notre vie religieuse : le Christ Jésus lui-même et la foi que nous avons dans la révélation qu'il est venu nous apporter.

La réponse de Jean

Si ces juifs zélés avaient été disciples des pharisiens, ils seraient sans doute restés toute leur vie ennemis et persécuteurs du Christ. Leurs maîtres auraient exploité leur zèle mal placé pour les rendre, selon la parole de Jésus, « dignes de la géhenne deux fois plus qu'eux-mêmes ». Heureusement pour eux, leur maître est un homme tel que Jean-Baptiste. Jean 3.27-28 (XLD) : 27 Jean répondit : « Un homme ne peut rien prendre si cela ne lui a été donné du ciel. 28 Vous-mêmes, vous témoignez que j'ai dit : 'Ce n'est pas moi le Christ', mais je suis envoyé devant lui. »

Avez-vous jamais eu l'impression que quand vous parlez personne ne vous écoute vraiment ? Franklin D. Roosevelt, élu quatre fois Président des Etats-Unis, finissait par se fatiguer de toutes les banalités qu'il était obligé de débiter au cours des innombrables réceptions officielles données à la Maison blanche. Aussi décide-t-il un soir de voir si les gens prêtaient vraiment attention à ce qu'il leur disait. Alors que chaque invité s'approche de lui pour lui serrer la main, il lui adresse un grand sourire tout en disant : « Ce matin, j'ai buté ma grand-mère. » Automatiquement, les gens lui font des réponses telles que : « Impeccable ! » ou « Que c'est merveilleux ! » ou encore « Vous faites du bon travail, continuez ! » Personne n'a écouté ce qu'il disait, à l'exception d'un seul diplomate étranger. Quand le président a dit: « Ce matin, j'ai buté ma grand-mère, » le diplomate a répondu calmement : « Je suis certain qu'elle l'avait bien cherché. »

Jean dit à ses disciples : « Mais vous êtes sourds ou quoi ? N'avez-vous pas écouté quand je disais que Jésus est plus grand que moi, que c'est lui l'Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde, celui qui vous immergera dans l'Esprit saint ? » Se mettre à l'école de Jean-Baptiste, c'est bien ; réformer sa vie religieuse et morale, c'est bien ; se faire immerger par Jean, c'est bien. Mais cela ne servirait à rien, finalement, si on n'en devenait pas par là plus réceptif à la lumière du Christ. Ces hommes ont beau être disciples fervents de Jean, s'ils n'accueillent pas son témoignage sur le Fils de Dieu, c'est en vain qu'il aura exercé, en ce qui les concerne, son ministère.

Laissez-moi vous dire une chose que j'ai apprise dans mon travail d'enseignement et d'évangélisation. Il est souvent plus facile de se recruter des adeptes, de convertir des gens à un système de discipline religieuse ou à une réforme morale et spirituelle que de les amener à la foi. Comme il y avait chez les pharisiens un bon nombre de pratiquants non-croyants, ainsi il s'en trouve aussi dans le mouvement « réformé » de Jean.

Heureusement, tous les disciples du Baptiste n'ont pas réagi comme ceux de notre passage. Il y en a qui ont écouté et cru. Jean 1.35-37 (XLD) Le lendemain, de nouveau, Jean se tenait là avec deux de ses disciples. 36 Regardant Jésus en train de marcher, il dit : « Voici l'Agneau de Dieu ! » 37 Les deux disciples l'entendirent ainsi parler et suivirent Jésus. Ces deux disciples (André est l'un d'eux) entendent dans le témoignage de Jean une invitation à le quitter pour suivre Jésus. Voilà à quel point ils avait écouté avec un coeur réceptif. Il leur a suffi d'une simple invitation – et encore, une invitation sous-entendue.

Jean 3.29 (XLD) « Celui qui a l'épouse est l'époux; mais l'ami de l'époux qui se tient là et qui l'entend est ravi de joie à la voix de l'époux. Telle est la joie, la mienne, et elle est en plénitude. » Jean sais très bien que ce n'est pas lui le héros de la fête. On raconte que Mère Theresa, après avoir reçu le prix Nobel de la paix, devait passer à la télévision américaine. Alors qu'elle s'installait sur le plateau quelque minutes avant l'émission, le présentateur lui a demandé si sa célébrité ne lui montait pas un peu à la tête, si tous les éloges qu'elle recevait ne constituaient pas pour elle une tentation à l'orgueil. Savez-vous ce qu'elle a répondu ? « Quand Jésus faisait son entrée royale à Jérusalem, croyez-vous que l'âne qui lui servait de monture s'imaginait que toutes les acclamations étaient pour lui ? »

Jean-Baptiste n'est que l'ami de l'époux, le garçon d'honneur qui, dans la culture juive, présidait à la préparation de la noce. Il n'a fait que préparer le peuple à accueillir le Messie. Dès que le Messie arrive, Jean se tient à l'arrière-plan, à la manière d'un serviteur, prêt à écouter la moindre parole de l'époux. Le mouvement baptiste -- en réalité, toute religion -- ne peut qu'éveiller le désir de connaître Dieu, d'avoir la vie, d'être saint. Seul Jésus peut combler ce désir.

Jean 3.30 (XLD) : « Il faut que celui-là croisse et que moi je diminue. » Ce verbe « il faut » marque une nécessité d'ordre divin : il est nécessaire que Jean diminue et que Jésus croisse pour que se réalise le dessein de Dieu. Jean est en train de dire : « Si j'ai eu des succès dans mon ministère, c'est uniquement grâce à Dieu. Si mon ministère prend fin, c'est que cela correspond au plan de Dieu. Si tous vont à Jésus, c'est que Dieu les y envoie. Je n'ai pas à être jaloux à cause de ce que Dieu fait. Dieu fait ce qu'il veut, et c'est comme cela que les choses doivent se passer. Car, un homme ne peut rien prendre si cela ne lui a été donné du ciel. »

Un tel effacement de soi est plutôt rare. La plupart des gens sont comme le personnage d'une comédie musicale qui disait : « Vous n'avez pas idée de la mauvaise opinion que j'ai de moi-même et de combien peu elle est méritée. »

J'ai lu quelque part une histoire, sans doute apocryphe, au sujet de Fidel Castro, qui décide de monter un réseau de télévision pour son pays. Il n'y a qu'une seule chaîne et elle est contrôlée par l'état et sert surtout à des fins de propagande. Cela ne fait pas exactement la joie du peuple et avant longtemps le mécontentement devient si menaçant que le gouvernement accepte d'ajouter une deuxième chaîne avec des films et des émissions plus divertissantes. Tout marche bien jusqu'au jour où Castro veut prononcer en directe à la télévision un de ses discours marathons. On ordonne alors à tout le monde d'être à l'écoute sur la première chaîne à l'heure fixée. Un citoyen, après avoir écouté fidèlement le président pendant une heure, n'en peut plus. Il craque et change de chaîne. Et là, sur la deuxième chaîne, il y a un soldat qui braque un fusil sur lui et dit : « Retourne à la première chaîne ! »

Jean, lui, est heureux de voir décroître son prestige. Il est comme l'étoile du matin qui annonce le soleil et puis se perd dans la clarté de l'aurore. « Ma joie est accomplie, dit-il, je n'ai plus rien à désirer dans ce monde. » La mesure de tout ministère ce n'est pas le nombre de gens qui suivent le ministre, mais le nombre de gens qu'il envoie suivre Jésus Christ. Jean-Baptiste y a envoyé toute une nation.

La confession de foi de Jean

Jean va maintenant rectifier l'incrédulité de ses disciples en leur présentant Jésus dans son rôle de Révélateur suprême. C'est lui qui apporte aux hommes la véritable révélation.

Jean 3.31a (XLD) : « Celui qui vient d'en haut est au-dessus de tous. Celui qui est de la terre est terrestre et il parle de façon terrestre. » Jésus vient directement du ciel, il en connaît tous les secrets. Il est le Révélateur hors pair, le Témoin définitif, celui dont le témoignage est sans contestation possible. Et pourtant, tout comme Nicodème, les disciples de Jean se permettent de juger Jésus d'après des idées religieuses humaines, c'est-à-dire terrestres. Ils le réduisent à la mesure de la religion juive, ils font de lui un simple prophète, un rabbin rival de leur propre maître; et ils méconnaissent ainsi son origine divine. Jésus n'est pas le rival de Jean-Baptiste, il est le Maître de Jean-Baptiste.

Jean 3.31b-32 (XLD) : « Celui qui vient du ciel 32 témoigne de ce qu'il a vu et entendu. Or son témoignage, nul ne l'accueille. » Les disciples de Jean se plaignaient que tout le monde allait à Jésus. Jean se plaint de ce que eux ils n'y vont pas eux-mêmes, de ce qu'ils ne veulent pas, eux, recevoir le témoignage de Jésus et croire en lui. (Je crois que le mot « personne » vise surtout les auditeurs immédiats de Jean.) Jean 3.33 (XLD) : 33 « Celui qui accueille son témoignage certifie que Dieu est véridique. » Ne pas croire au Fils de Dieu, c'est traiter Dieu de menteur. 1 Jean 5.10 (TOB ) : 10 Qui ne croit pas Dieu fait de lui un menteur, puisqu'il n'a pas foi dans le témoignage que Dieu a rendu en faveur de son Fils.

Jean 3.34 (XLD) : «En effet celui que Dieu a envoyé parle les paroles de Dieu [et] il ne donne pas l'Esprit avec mesure.» Dans la personne de Jésus, les disciples de Jean ne se trouvent pas en face d'un prophète ou d'un rabbin parmi d'autres. Il est le plus grand et le dernier des envoyés de Dieu, le seul qui vienne d'auprès de Dieu, le seul à qui Dieu ne mesure pas le don de l'Esprit. Bien sûr, les prophètes et surtout Jean-Baptiste étaient porteurs eux aussi de l'Esprit, l'inspirateur des révélations divines. Mais eux ne faisaient que participer à l'Esprit dans une mesure très limitée: ils n'avaient reçus que des indices très fragmentaires sur le dessein de Dieu. Jésus, par contre, a l'Esprit sans mesure, en plénitude. Il peut communiquer pleinement le dessein secret du Père.

Jean 3.35 (XLD) : « Le Père aime le Fils et il a tout remis en sa main. » Dieu lui a confié la plénitude de la révélation, lui a donné pleins pouvoirs de Révélateur, si bien que pour connaître Dieu et son dessein, il faut obligatoirement passer par Jésus. Matthieu 11.27 (FC) : « Mon Père m'a remis toutes choses. Personne ne connaît le Fils si ce n'est le Père, et personne ne connaît le Père si ce n'est le Fils et ceux à qui le Fils veut le révéler. » « O homme ! Dieu te semble enfoncé dans un infini où nul ne peut l'atteindre, où nul ne peut saisir ce qu'il pense. Approche de Jésus, lui voit Dieu, et te dit ce qu'il voit ; il entend la parole éternelle et unique de Dieu, il est cette parole même, et il te la répète en langage humain. Ecoute : suspends-toi à ses lèvres et sois docile. » (Chometon, p. 99)

Notre lecture de ces trois chapitres se termine par les dernières paroles que Jean-Baptiste prononce dans cet évangile. Jean 3.36 (XLD) : « Celui qui croit en le Fils a la vie éternelle, celui qui refuse de croire au Fils ne verra pas la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui. » Dans les évangiles, seulement deux autres textes parlent de la colère de Dieu, et il s'agit dans les deux cas du jugement divin qui frappera le judaïsme incrédule (Luc 3.7 ; 21.23). Ici aussi ce sont les juifs du temps du Christ qui sont les premiers concernés. Si le judaïsme, même le judaïsme réformé par Jean-Baptiste, reste figé dans la révélation préparatoire, il sera irrévocablement condamné. Le châtiment déjà arrêté sur la théocratie incrédule « demeurera », il ne sera détourné que pour ceux qui reconnaîtront en Jésus le Fils envoyé de Dieu et qui l'écouteront.

Conclusion

Une chose est de se repentir pour amender sa vie morale ou réformer ses pratiques religieuses – ce qui déjà plaît à Dieu –, une autre est de venir à la lumière et d'entendre la voix de l'époux. Comment l'entendre ? Une seule façon : ouvrir les oreilles. Comment venir à la lumière ? Une seule façon : ouvrir les yeux du coeur et se laisser attirer par elle. Peut-être avez-vous peur qu'à la place du pain, Jésus vous refile une pierre ? Ou qu'à la place d'un poisson il vous donne un serpent ? Peut-être avez-vous peur qu'à la place de la vie il vous inflige la religion ?

Matthieu 11.28-30 (FC) : 28 « Venez à moi vous tous qui êtes fatigués de porter un lourd fardeau et je vous donnerai le repos. 29 Prenez sur vous mon joug et laissez-moi vous instruire, car je suis doux et humble de coeur, et vous trouverez le repos pour vous-mêmes. 30 Le joug que vous donnerai est facile à porter [gr. chrestos : bon, utile, bienfaisant] et le fardeau que je mettrai sur vous est léger. »