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Jean 3.1-12

Être engendré d'en haut

© Max Dauner

Entrée en matière

2 Corinthiens 4.16-18 (TOB) : C'est pourquoi nous ne perdons pas courage et même si, en nous, l'homme extérieur va vers sa ruine, l'homme intérieur se renouvelle de jour en jour. 17 Car nos détresses d'un moment sont légères par rapport au poids extraordinaire de gloire éternelle qu'elles nous préparent. 18 Notre objectif n'est pas ce qui se voit, mais ce qui ne se voit pas; ce qui se voit est provisoire, mais ce qui ne se voit pas est éternel.

Depuis près d'un siècle, nous sommes soumis, vous et moi, à un véritable bombardement de propagande maléfique. Presque toute notre éducation a pour objectif d'étouffer cette voix timide et insistante au plus profond de nous; presque toutes nos philosophies modernes ont été conçues pour nous convaincre que le bonheur de l'homme se trouve ici-bas.

Notez par exemple comment on cherche à nous persuader que la planète Terre est notre patrie. D'abord on nous rabâche que la terre peut devenir un véritable paradis, étouffant ainsi notre impression d'être des étrangers et des gens de passage ici-bas. Puis on nous dit que cet événement réjouissant n'est pas pour demain, trompant ainsi notre intuition que le monde actuel ne peut pas nous offrir un asile durable. Enfin, de peur que notre aspiration vers l'éternel ne prenne le dessus et vienne tout gâter, on met en oeuvre tous les moyens de persuasion pour écarter de notre esprit la pensée que même si l'homme devait goûter sur terre tout le bonheur qu'on nous promet, chaque génération en serait privée par la mort.

On a beau faire, nous restons persuadés qu'il existe en nous un désir qu'aucun bonheur terrestre ne peut combler. L'objet de ce désir, c'est le ciel, objet que nous avons du mal à imaginer. Cela est tout à fait normal: le ciel, par définition, reste en dehors de la sphère de notre expérience. Je n'y suis jamais monté moi-même, aucun de nous n'y est jamais monté. Il est vrai que les Ecritures saintes nous décrivent un peu cette patrie lointaine mais c'est en termes symboliques. Or, un symbole n'est pas la réalité; le ciel, par exemple, n'est pas un foisonnement de pierres précieuses. Toujours est-il que les symboles recèlent des vérités que nous avons besoin de connaître et que nous pouvons saisir.

Or, les données de l'Écriture au sujet du ciel se résument grosso modo en trois points. La Bible nous promet, premièrement, que nous serons avec Jésus Christ auprès de Dieu ; deuxièmement, que nous serons semblables au Christ, dotés d'un corps spirituel et immortel ; et troisièmement, avec une surabondance d'images et de symboles, que nous recevrons la gloire. C'est sur cette dernière notion de « gloire » que j'aimerais m'arrêter quelques instants.

Pour la plupart des gens, le mot « gloire » évoque l'idée de célébrité, de prestige acquis auprès de nos semblables. Il nous est presque impossible de penser à la gloire sans penser en même temps au poison mortel qui l'accompagne presque inévitablement chez l'homme : l'admiration de soi.

Mais la gloire que promettent les Écritures n'est pas définie par rapport à nos semblables. C'est plutôt le renom ou l'honneur que nous avons auprès de Dieu ; c'est son approbation, cet éloge fait par le maître dans la parabole des talents : Matthieu 25.21 (TOB) : 21 « C'est bien, bon et fidèle serviteur. » C'est la satisfaction légitime d'avoir pu plaire, au-delà de toute espérance, à la personne pour le plaisir de laquelle nous avons été créés. Il n'y a plus alors de place pour la vanité. Nous sommes libérés de la misérable illusion d'y avoir été pour quelque chose. Sans la moindre trace de ce que nous appellerons la suffisance, nous goûtons la joie innocente d'être ce que Dieu a fait de nous.

L'autre jour je lisais quelque part que l'essentiel est ce que nous pensons de Dieu. Il est vrai que ce que nous pensons de Dieu est important, mais ce que Dieu pense de nous est infiniment plus important. Il est écrit qu'un jour nous comparaîtrons tous devant le tribunal du Seigneur, qui se tournera vers chacun de nous soit pour nous conférer une gloire ineffable, soit pour nous infliger une honte que nous ne pourrons jamais effacer ou dissimuler. La gloire promise – chose incroyable et uniquement possible grâce à Jésus Christ – consistera à avoir l'approbation de Dieu ; à lui plaire ; à être accueillis, acceptés, reconnus ; à faire ses délices, comme l'oeuvre fait la joie de l'artiste ou le fils celle du père. Un honneur bien au-delà de nos mérites. Cela semble trop beau pour être vrai, un « poids de gloire » que notre pensée a de la peine à supporter. Et pourtant c'est ainsi.

En attendant, nous sommes encore à l'extérieur du monde réel, nous sommes du mauvais côté de la muraille impitoyable de ce monde. Mais une brèche s'est ouverte, et nous sommes conviés à suivre notre grand capitaine à l'intérieur. L'essentiel, bien sûr, c'est de lui faire assez confiance pour s'y engager.

Un homme se promène un jour sur un chemin de montagne et, un peu perdu dans ses pensées, ne fait pas trop attention où il met les pieds. Tout d'un coup, il dérape et passe par-dessus le bord d'une falaise. Heureusement pour lui, il y a une branche qui pousse sur la face de la falaise et qu'il réussit de justesse à attraper. Sachant qu'il ne pourra pas tenir long

temps, il commence à crier au secours : « Il y a quelqu'un là-haut ? » Une voix lui répond : « Oui, je suis là. » L'homme : « Qui ça ? » La voix : « Le bon Dieu ». L'homme : « Dieu, aide-moi ! » La voix : « Tu me fais confiance ? » L'homme : « Oh, oui, Seigneur, je te fais confiance à 100%. » La voix : « Très bien. Lâche la branche. » L'homme : « Quoi ? » La voix : « J'ai dit : lâche la branche. » Après un long silence, l'homme reprend : « Il y a quelqu'un d'autre là-haut ? »

Introduction

Cette petite histoire illustre bien la situation à laquelle nous avons affaire dans notre texte, Jean 3.1-12. Ce passage nous présente, dans la personne de Nicodème, un exemple typique des juifs disposés à croire en Jésus à cause de ses miracles mais en qui Jésus ne «croit» pas. Jean 2.23-24 (XLD) : 23 Beaucoup crurent en son nom en voyant les signes qu'il faisait. 24 Mais Jésus, lui, ne se fiait pas à eux. Nicodème, quoique extrêmement religieux, est, à l'exemple de notre promeneur accroché à sa branche, beaucoup moins croyant qu'il ne le pense.

Notre étude consistera à suivre le dialogue qui s'engage entre Jésus et cet homme. Ce dialogue est composé de trois échanges: versets 1 à 3, versets 4 à 8, et versets 9 à 12.

Premier échange

Jean 3.1 (XLD) : Or il y avait parmi les pharisiens un homme, qui s'appelait Nicodème, un notable des juifs. Ce n'est pas un hasard si Jean nous présente, parmi tous les gens que Jésus a dû rencontrer à Jérusalem, cet homme particulier. Car Nicodème est représentatif de l'élite religieuse du judaïsme à trois titres différents.

Premièrement, il est pharisien, membre ce cette secte juive qui se flattait de la rigueur de ses observances. Les pharisiens sont les défenseurs acharnés des traditions rabbiniques et passent leur temps à débattre des questions telle que : « Est-il permis de manger un oeuf pondu un jour de sabbat ? » ou encore : « A-t-on le droit de se gargariser le jour du sabbat ou bien s'agit-il là d'un travail et donc une action interdite par la Loi ? ». Deuxièmement, Nicodème est un « notable », c'est-à-dire membre du sanhédrin : le conseil supérieur et tribunal religieux suprême d'Israël. Troisièmement, il est maître de la loi, spécialiste dans l'interprétation et l'enseignement des livres sacrés de l'Ancien Testament. Il serait l'équivalent moderne d'un cardinal qui est en même temps jésuite et professeur de théologie.

Si nous avions vécu à l'époque du Christ et qu'il nous avait fallu choisir un homme pour nous représenter, un homme qui incarnerait ce qu'il y a de mieux dans notre culture, notre piété, notre éducation, notre intégrité, nous aurions eu du mal à trouver un meilleur candidat que Nicodème. Nous n'aurions pas choisi l'empereur ou un des hommes puissants de Rome, car ils étaient manifestement corrompus. Nous n'aurions pas choisi un des philosophes grecs, car ils ne connaissaient pas grand-chose à la religion. Nous n'aurions pas choisi quelqu'un d'ignorant, de médiocre, d'obscur ou d'irréligieux. Nous aurions choisi Nicodème. Cet homme est le digne représentant de ceux qui, à son époque comme à la nôtre, cherchent le sens de la vie dans la religion.

Jean 3.2 (XLD) : 2 Il vint de nuit à lui [Jésus]. Pourquoi de nuit ? Jean laisse entendre que c'est par peur de se compromettre aux yeux de ses collègues pharisiens. Avec d'autres chefs, il semble très impressionné par l'hostilité du judaïsme officiel contre Jésus. Jean 12.42-43 (XLD) : 42 Toutefois, il est vrai, même parmi les notables, un bon nombre avait commencé à croire en lui, mais à cause des pharisiens, ils ne le confessaient pas, de peur d'être exclus de la synagogue, 43 car ils ont aimé la gloire des hommes plus que la gloire de Dieu. Nicodème semble être de leur nombre. Il s'accroche au prestige religieux que lui vaut sa position dans le judaïsme et il craint de tout perdre s'il « lâche la branche » pour faire ce que lui demande ce rabbin si peu traditionaliste.

Jean nous rappellera à deux reprises dans son évangile (7.50 et 19.39) que c'est de nuit que Nicodème est venu à Jésus. Or, la nuit est chez Jean le domaine des ténèbres spirituelles. Jean 3.19 (XLD) : 19 La lumière est venue dans le monde et cependant les hommes ont aimé les ténèbres de préférence à la lumière. S'adressant à Jésus, le super-pharisien qu'est Nicodème vient de la nuit du judaïsme stérile vers la lumière, maintenant présente dans le monde. Le drame de tout cet épisode c'est qu'à chaque verset on se demande si Nicodème va passer à la lumière. Et c'est là le vrai drame de notre vie. Nous marcherons dans la nuit et chercherons Dieu en vain tant que nous n'aurons pas reconnu en Jésus la lumière.

Jean 3.2 (XLD) : 2 Il lui dit : « Rabbi, nous le savons, c'est de la part de Dieu que tu es venu comme maître : personne en effet ne peut faire les signes que tu fais si Dieu n'est pas avec lui. » Cette confession de foi, apparemment sincère, cache pourtant une illusion. En réalité, Nicodème sait moins qu'il ne le pense. Et Jésus, qui connaît ce qu'il y a dans l'homme, va le mettre à l'épreuve : « Tu sais que je suis envoyé de Dieu ? Très bien, lâche la branche. »

Jean 3.3 (XLD) : 3 Jésus répondit et lui dit : « En vérité, en vérité, je te le dis : si quelqu'un n'est pas engendré d'en haut, il ne peut pas voir le royaume de Dieu. » Demandez à un juif pieux du temps de Jésus ce qu'il attendait, ce qu'il espérait, ce qu'il rêvait de voir plus que toute autre chose, il répondrait : « Le règne du Messie ! Je donnerais tout pour voir le jour où le Messie viendra commencer à régner sur Israël et apporter à son peuple toutes les bonnes choses de Dieu. » Luc 14.15 (BJ) : 15 « Heureux celui qui prendra son repas dans le Royaume de Dieu ! » aimaient dire les contemporains de Jésus. Pas étonnant, dans ce cas, que les juifs commencent à accourir en masse écouter la bonne nouvelle de Dieu qu'annonce ce rabbin faiseur de miracles. Marc 1.14-15 (TOB) : 14 Il proclamait l'Evangile de Dieu et disait : 15 « Le temps est accompli, et le Règne de Dieu s'est approché: convertissez-vous et croyez à l'Évangile. »

Mais, dit Jésus, pour avoir la possibilité de voir ce règne qui vient et d'y avoir part, il faut remplir une condition. Laquelle ? Il faut « être engendré d'en haut ». Qu'est-ce que cela peut bien signifier ? Jésus veut dire tout d'abord, en clair, qu'il ne suffit pas d'appartenir « généalogiquement » au peuple élu pour avoir accès au règne. Il ne suffit pas d'être juif « selon la chair ». Jean-Baptiste disait déjà en Matthieu 3.9 (FC) : 9 « Et ne pensez pas que vous n'avez qu'à dire en vous-mêmes : 'Abraham est notre ancêtre'. Car je vous déclare que Dieu peut utiliser ces pierres pour en faire des descendants d'Abraham ! »

Chaque fois je tombe sur ce verset et sur le sentiment que le peuple d'Israël avait d'être privilégié par sa descendance d'Abraham, je pense à ma propre relation à mon propre héritage théologique et religieux. Et là il faut que je me remette sérieusement en question. Car j'ai tendance à m'imaginer que je suis un invité de choix au règne de Dieu simplement parce que j'appartiens à cet héritage. Je ne sais pas si cela vous arrive à vous aussi: de cacher un manque de foi ou d'obéissance à Dieu derrière l'appartenance à une certaine tradition. C'est à ce moment-là que Jean-Baptiste pointe vers nous son doigt osseux pour nous avertir : « Hé ! Dieu peut faire de ces cailloux des protestants ou de catholiques. »

L'important, l'unique nécessaire, c'est être engendré d'en haut, c'est-à-dire engendré de Dieu. Il s'agit bien entendu d'une action spirituelle, mais laquelle ? Comment Dieu engendre-t-il des enfants ? Ce n'est pas un mystère : c'est par sa parole déposée comme une semence dans le coeur des hommes et des femmes ! Jacques 1.12 (TOB) : 12 De sa propre volonté, il nous a engendrés par la parole de vérité. 1 Pierre 1.23 (TOB) : 23 Vous avez été engendrés à nouveau par une semence non pas corruptible mais incorruptible, par la parole de Dieu vivante et permanente.

La qualité essentielle de la parole de Dieu est d'être vivante et vivifiante. C'est une semence qui possède la vie en elle-même et qui la communique à ceux qui l'accueillent dans la foi (Mt 13.19, 23 ; et parallèles). C'est dans la mesure où nous nous laissons enseigner et guider par la parole d'en haut que nous serons engendrés d'en haut : dans la mesure où nous écoutons la parole et lui obéissons.

Nicodème est la crème de la crème du peuple élu. Il a consacré sa vie entière à la pratique minutieuse des traditions religieuses, au service de Dieu et de son peuple, à l'étude assidue des Ecritures. Et maintenant il s'entend dire que toute sa piété, tout son savoir, tout son acquis, tout son héritage est nul pour le règne de Dieu s'il n'accepte pas la parole de vie que Dieu est en train de lui adresser par intermédiaire de ce rabbin sans diplôme. Il ne verra pas le règne s'il ne devient pas plus croyant et plus pratiquant qu'il ne pense l'être.

Deuxième échange

Jean 3.4 (XLD) : 4 Nicodème lui dit : « Comment un homme peut-il être engendré quand il est vieux ? Peut-il entrer une seconde fois dans le sein de sa mère et être engendré ? » Cette objection n'est sans doute pas à prendre à la lettre. On peut quand même laisser à Nicodème un minimum d'intelligence : il sait parfaitement que Jésus ne parle pas d'un engendrement biologique qui impliquerait un retour, d'ailleurs impossible, dans le sein maternel. Il est en train de dire : « Etre engendré, moi à mon âge ! Il est évident que tu parles d'un engendrement d'un autre ordre, mais je ne vois pas très bien où tu veux en venir. Explique-toi. » Nicodème ne fait que demander un supplément d'explication.

C'est justement ce que Jésus va lui donner: des explications. Jean 3.5 (XLD) : 5 Jésus répondit : « En vérité, en vérité, je te le dis, si quelqu'un n'est pas engendré d'eau et d'Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu. » Pour se mettre en chemin à la rencontre du règne qui arrive, tout juif – même un pharisien pieux comme Nicodème – est sommé par Dieu de faire deux choses.

Premièrement, il doit être engendré d'eau. Cette expression nous renvoie au baptême (immersion dans l'eau) que Dieu avait envoyé Jean-Baptiste administrer aux juifs en préparation de la venue du règne. Marc 1.4 (FC) : 4 Ainsi, Jean parut dans le désert ; il baptisait et lançait cet appel : « Changez de comportement, faites-vous baptiser et Dieu pardonnera vos péchés. » Matthieu 3.2 (BJ) : 2 « Repentez-vous, car le Royaume des Cieux est tout proche. » L'idée d'immerger les gens dans l'eau ne venait pas de Jean, ce n'est pas lui qui a inventé le baptême. L'immersion dans l'eau est venue « d'en haut » (Lc 20.47), elle a été ordonnée par Dieu lui-même.

Or, les représentants du judaïsme officiel – les pharisiens, les maîtres de la loi, les prêtres, les anciens – n'ont jamais voulu admettre l'origine divine de ce rite. Luc 7.29-30 (BJ) : 29 Tout le peuple qui a écouté et même les publicains, ont justifié Dieu [lui ont donné raison, ont reconnu sa volonté] en se faisant baptiser du baptême de Jean ; 30 mais les Pharisiens et les légistes ont annulé pour eux le dessein de Dieu en ne se faisant pas baptiser par lui. Ils ont repoussé ce que Dieu voulait pour eux et par conséquent se sont exclus eux-mêmes du royaume qui arrivait. Voilà ce qui devrait nous faire y réfléchir à deux fois avant de rejeter à notre tour l'immersion dans l'eau que Dieu veut pour nous.

Passons à la deuxième condition posée par Jésus pour entrer dans le royaume: être engendré de l'Esprit. Comment l'Esprit engendre-t-il des enfants ? De la même façon que Dieu engendre des enfants : par sa parole. Qu'est-ce que l'Esprit a donc à voir avec la parole génératrice ? C'est lui qui inspire cette parole. Chez Jean, l'Esprit saint est surtout l'agent de la révélation du dessein de Dieu. Il fait connaître aux prophètes la vérité divine, il remplit les messagers de Dieu et inspire leurs paroles. Jésus va l'appeler « l'Esprit de vérité ». Est donc engendré par l'Esprit celui qui se laisse instruire par l'Esprit en acceptant la parole des « inspirés » de l'Esprit : Jean-Baptiste et surtout Jésus, en l'occurrence. Jean 3.33-34 (TOB) : 33 « Celui qui reçoit son témoignage [celui de Jésus] ratifie que Dieu est véridique. 34 En effet, celui que Dieu a envoyé dit les paroles de Dieu, qui lui donne l'Esprit sans mesure ».

Etre engendré d'eau et d'Esprit correspond donc aux deux conditions posées par Dieu pour le juif qui veut entrer dans le royaume qui vient: croire à la bonne nouvelle prêchée par Jean-Baptiste et Jésus, et se faire immerger dans l'eau. La foi et le baptême. Ces deux conditions ne devraient pas trop nous dépayser, n'est-ce pas ? C'est ce que Dieu demande de nous aujourd'hui. Marc 16.15-16 (FC) : « Allez dans le monde entier et annoncez la Bonne Nouvelle à tous les hommes. 16 Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé ; mais celui qui ne croira pas sera condamné. »

Jean 3.6-7 (XLD) : « Ce qui est né de la chair est chair, ce qui est né de l'Esprit est esprit. 7 Ne t'étonne pas si je t'ai dit : il vous faut [Jésus passe au pluriel pour englober les autres notables juifs] être engendré d'en haut. » Jésus oppose ici deux choses : la chair, non pas la « viande » dont notre corps est fait, mais la pensée religieuse d'origine humaine ; et l'Esprit, le révélateur de la pensée secrète de Dieu. Il dit à Nicodème : « Je sais que tout cela est un peu dur à avaler, surtout pour vous autres pharisiens. Car vous avez l'habitude d'évoluer dans un monde religieux 'né de la chair', c'est-à-dire réglé sur les pensées, doctrines, traditions, « théologies » et considérations humaines. »

A quoi peut-on arriver en partant de la chair, de la pensée religieuse humaine ? On arrivera au mieux à une religion approuvée par d'autres hommes, mais non pas approuvée par Dieu. On arrivera à une religion qui accueille toutes sortes d'idées humaines mais qui se ferme à la vérité révélée par l'Esprit. Jean 5.41-44 (XLD) : 41 « La gloire, je ne la reçois pas des hommes. [Mon ministère n'a pas obtenu l'approbation théologique du sanhédrin]. 42 D'ailleurs, je vous connais : l'amour de Dieu, vous ne l'avez pas en vous-mêmes. 43 Je suis venu, moi, au nom de mon Père [comme son porte-parole accrédité], et vous ne m'accueillez pas ; qu'un autre vienne en son propre nom [enseignant des idées qu'il a inventées lui-même], celui-là vous l'accueillez [vous avalez tout ce qu'il dit et en faites un grand rabbin]. 44 Comment pouvez-vous croire, vous qui, recevant la gloire les uns des autres, ne recherchez pas la gloire qui provient du Dieu unique ? »

La pensée religieuse humaine ne donne naissance qu'à une religion humaine. Ce qui est né de la chair est chair. Et la religion humaine ne peut pas nous engendrer à la vie, elle ne peut pas nous faire sortir des ténèbres, elle ne peut pas nous donner accès au royaume. Jean 6.63 (XLD): 63 « C'est l'Esprit qui fait vivre, la chair ne sert de rien. Les paroles que moi je vous ai dites sont Esprit et elles sont vie. »

Jésus va terminer ce deuxième échange par une petite parabole. Jean 3.8 (XLD) : 8 « Le vent souffle où il veut ; et sa voix, tu l'entends, mais tu ne sais ni d'où il vient ni où il retourne. Ainsi en est-il de quiconque est né de l'Esprit. » Nous ignorons la provenance du vent et la destination du vent, ainsi que l'itinéraire qu'il suivra pour passer de l'une à l'autre. Mais cela ne nous empêche pas d'entendre la « voix » du vent quand il passe. Autrement dit: pas besoin d'avoir un doctorat en météorologie pour entendre le vent. Pas besoin d'être ingénieur en mécanique pour conduire une voiture. Pas besoin d'être un expert en télécommunications pour répondre au téléphone quand il sonne.

Il en est de même, dit Jésus, pour tout juif « engendré de l'Esprit ». Il ne lui est pas indispensable, pour le moment, de tout savoir sur le dessein de Dieu : que Jésus est le Logos fait chair, qu'il va retourner au ciel en passant par la croix et la résurrection. On n'en est pas encore là dans le programme divin de la révélation. Il suffit à Nicodème, pour le moment, d'obéir à ce que l'Esprit lui dit clairement de faire maintenant : croire à la bonne nouvelle prêchée par Jean-Baptiste et Jésus, et se faire immerger dans l'eau. Et cela suffit pour se mettre en chemin pour aller à la rencontre du règne qui vient.

Illustration. Imaginez que nous sommes à l'époque des lampes à pétrole. Il fait nuit noire et vous n'y voyez que dal. Si vous prenez la lampe, vous ne voyez pas grand-chose de plus. Il y a autour de vos pieds une

flaque de lumière, vous ne voyez pas à trois mètres devant vous. Mais si vous avancez en faisant confiance à la lampe, elle éclairera vos pieds suffisamment pour que vous marchiez en sécurité. Tel est l'acte de confiance auquel Jésus invite Nicodème : ne pas s'appuyer sur ces propres préjugés religieux (genre : « À quoi peut me servir de me faire plonger dans la rivière par ce prédicateur fou de Jean-Baptiste ? »), mais sur la lumière divine dont on dispose pour l'instant. L'Esprit, on peut entendre sa voix et y obéir sans nécessairement tout savoir et tout comprendre.

Troisième échange

Jean 3.9 (XLD) : 9 Nicodème répondit et lui dit : « Comment cela peut-il se faire ? » Comment donc savoir quelle est la volonté de Dieu ? Comment la voix de l'Esprit se fait-elle entendre en Israël ? Où faut-il commencer ? Là, Nicodème exagère, et Jésus va se montrer sévère à son égard.

Jean 3.10 (XLD ): 10 Jésus répondit et lui dit : « Tu es maître en Israël et cependant tu ne sais pas cela ! » Jésus dit : « Allons, allons ! Nicodème. Même les pécheurs les plus méprisés et les plus incultes en Israël savent cela. Matthieu 21.31-32 (FC) : 31 «Je vous le déclare, c'est la vérité : les collecteurs d'impôts et les prostituées arriveront avant vous dans le Royaume de Dieu. 32 Car Jean-Baptiste est venu à vous en vous montrant le juste chemin et vous ne l'avez pas cru ; mais les collecteurs d'impôts et les prostituées ont cru en lui. Et même après avoir vu cela, vous n'avez pas changé intérieurement pour croire en lui. » Si Nicodème, l'éminent théologien, veut savoir ce que Dieu veut pour lui, il n'a qu'à aller se renseigner auprès des collabos et les putes ! Eux ils ont compris.

Comment la voix de l'Esprit se fait entendre ? Mais voyons ! Par la bouche de Jean-Baptiste et de Jésus ! Jean 3.11 (XLD) : 11 « En vérité, je te le dis : nous [Jésus et Jean-Baptiste, seul sujet jusqu'ici du verbe « témoigner »] parlons de ce que nous savons et nous témoignons de ce que nous avons vu, et cependant vous [Nicodème et les juifs] n'accueillez pas notre témoignage ! » Jésus leur fait le même reproche en Luc 7.33-34 (TOB) : 33 « En effet, Jean le Baptiste est venu, il ne mange pas de pain, il ne boit pas de vin, et vous dites : "Il a perdu la tête." 34 Le Fils de l'homme est venu, il mange, il boit, et vous dites : « Voilà un glouton et un ivrogne, un ami des collecteurs d'impôts et des pécheurs. »

Les chefs religieux se bouchent les oreilles et repoussent toutes les initiatives de Dieu pour leur parler, parce qu'ils jugent ses messagers selon les préjugés de leur propre pensée religieuse humaine. Ils jugent selon la chair. Jean-Baptiste est trop rigoureux à leur goût, il doit être fou : « Vous vous rendez compte, il bouffe des sauterelles ! » Jésus, au contraire, ne fait pas assez rigoureux: il ne jeûne pas, il ne garde pas les traditions des pères, il fréquente les pécheurs. Ces juifs trouvent à redire dans tous les envoyés de Dieu parce qu'au fond ils se laissent guider dans la religion par des pensées humaines : ils sont « nés de la chair », ils résistent à l'Esprit. C'est là une attitude qui n'augure rien de bon pour la suite.

Jean 3.12 (XLD) : 12 « Si quand je vous dis [gr. « ai dit »] les choses de la terre vous ne croyez pas, comment croirez-vous si je viens à vous dire les choses du ciel ? » Jésus distingue ici deux niveaux, ou deux temps, de révélation. Les « choses de la terre » correspondent à un message qui avait déjà (« je vous ai dit ») été communiqué à Israël et à ses chefs religieux : « Le temps est accompli, le règne du Messie est proche ! Convertissez-vous ! Faites-vous baptiser ! Croyez à la bonne nouvelle ! » Ces choses étaient « sur la terre », à la portée du peuple élu, accessibles même aux juifs les plus ignorants de la religion (Jn 7.49). Il n'y a pas ici de doctrine mystérieuse, obscure ou compliquée ; au contraire, c'est la simplicité même.

Les « choses du ciel » concernent ce qui est encore à annoncer, les secrets qui restent pour l'instant encore cachés en Dieu. Il s'agit, comme nous le montrera la suite (3.13-21), de l'origine divine et de l'itinéraire du Christ : son rejet par le peuple élu, sa mort, sa résurrection, son ascension, la vie éternelle qu'il doit révéler au monde. Puisque la prédication, pourtant simple, de Jean-Baptiste et de Jésus fait déjà difficulté à Nicodème et aux autre pharisiens, qu'est-ce que ça va être quand ils verront des choses de Dieu encore plus étonnantes et difficiles à admettre : un Messie crucifié, ressuscité et reparti au ciel ?

Conclusion

Ainsi prend fin le dialogue proprement dit, par une question restée en suspens. Nicodème se tait, même si sa nuit est traversée par la parole, et il disparaît de la scène, sans qu'on sache s'il adhère ou non à la parole de Jésus, sans qu'on sache s'il surmonte ou non sa crainte de ses collègues pharisiens.

Voilà le grand danger qu'il y a à faire de la religion une affaire humaine, avec des traditions humaines, des idées humaines, des façons de penser humaines. On finit par une religion uniquement humaine qui n'a plus besoin de Dieu. On finit par s'en rapporter à ce que les hommes pensent et nous disent plutôt qu'à ce que Dieu pense et nous dit. Face au même choix qu'avait Nicodème devant les enseignements difficiles à admettre de Jésus, Pierre dira en Jean 6.68 (XLD) : 68 « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. »